CIELT - Centre international d'études sur le linceul de Turin
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Le lin

Le tissu du Linceul est un sergé de lin à chevrons, un linge fin, de grande qualité, jauni par les siècles. On ne connaît aucun tissu antique présentant toutes ses caractéristiques, mais toutes ses caractéristiques sont celles de tissus antiques. Il s’agit, dit Gabriel Vial, expert en tissus anciens, d’un « chevron sans chaîne à base de sergé 3 lie 1 à pointes simples comportant théoriquement 41 fils à la série suivie et 39 fils à la série en retour, rapport : 80 fils et 4 coups ». Vial observe que le tissage à chevrons du Linceul comporte des fautes spécifiques des méthodes anciennes. La machine utilisée était par ailleurs un métier à pédales courant en Égypte ancienne. Les sables du désert égyptien ont conservé des linceuls de lin datant parfois de plusieurs millénaires, mais aucun d’eux n’est à chevrons. On trouve des chevrons depuis l’âge du fer, mais il s’agit de tissus de laine à base de sergé 2/2, donc sans envers. On a en revanche recueilli dans le désert syrien, à Palmyre, une ville détruite en 272, des sergés 3/1 comme celui du Linceul, mais ils sont en soie.

L’examen des fils tissés, de grosseur irrégulière, apporte une indication intéressante. Alors que la fibre du lin se tord spontanément au séchage en forme de S, les fibres des fils du Linceul présentent une torsion en forme de Z. Cela provient d’un filage à deux fuseaux spécifique de l’Égypte ancienne, et sans doute des régions voisines puisqu’on trouve des fils à torsion en Z dans le désert de Judée et à Palmyre. Ray Rogers a en outre observé que le lin du Suaire n’avait été blanchi qu’après son tissage alors que, depuis le VIIIe siècle, on blanchit toujours les fils avant le tissage.

Gilbert Raes, en examinant les échantillons prélevés en 1973, a découvert des fibres de coton mêlées aux fils de lin et a déterminé que ce coton appartient à l’espèce Gossupium Herbaceum cultivée au Proche-Orient. La présence de ces fibres vient de ce que l’on tissait les différents textiles sur les mêmes métiers.. Or, si l’Europe a connu très tôt le coton, elle ne l’a tissé que tardivement : on signale le tissage du coton dès le VIIIe siècle en Espagne mauresque, mais le reste de l’Europe ne le pratique qu’à partir du XVIIe siècle.

Raes n’a pas, en revanche, trouvé de fibres de laine. Or les métiers utilisés pour tisser le lin et le coton servaient aussi à tisser la laine ; sauf, toutefois, en Judée, car la loi religieuse y oblige à utiliser des métiers différents pour les textiles végétaux et les textiles animaux. On a donc des raisons de penser que le Linceul a été tissé en Judée.

Il s’agit, quoi qu’il en soit de ce dernier point, d’un linge qui a été fabriqué dans l’Antiquité au Proche-Orient où il a également séjourné comme le montre l’examen des pollens et des poussières.