Caractéristiques générales
CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES DU LINCEUL de TURIN
Depuis que l’Italien Secundo Pia a découvert la stupéfiante propriété du Linceul de Turin (négatif dont l’inversion photographique fournit l’objet réel), un grand nombre d’observations et de mesures ont été faites, la plupart du temps sous contrôle strict d’experts, voir d’huissiers.
Le tissu a été observé méticuleusement par de nombreux experts, à la loupe, à la binoculaire, au microscope, ses fils mesurés et leurs fibrilles comptées, l’impression de l’image analysée, toutes les taches diagnostiquées, les poussières et autres pollens cachés dans les chevrons extraits et identifiés, avec plus ou moins de bonheur, en fonction des chercheurs et des disciplines scientifiques concernées. Un résumé synoptique est proposé ci-après.
Caractéristiques textiles
Il s’agit d’une pièce de tissu de 4, 36 m de long et 1,10 m de large, en réalité constituée d’une pièce maîtresse de 1, 02 m et d’une bande longitudinale de 8 cm, recousue après en avoir été détachée (elle a dû servir de bandelette pour lier le drap ou le corps défunt, ou les deux).
L’étoffe très fine est doublée d’une toile-support plus rigide, à laquelle elle est maintenue par des points, d’où la difficulté à connaître sa densité moyenne exacte.
L’interpolation/extrapolation des pesées de petits échantillons, nombre et épaisseur des fils, absorption de RX, fournit un chiffre moyen de 23,4 mg/cm2.
L’étoffe réfléchit la lumière autour de 0,6 m (couleur jaune paille), avec des ombres peu contrastées (10 % maximum) laissant apparaître la silhouette développée antéro-postérieure d’un homme nu. C’est un négatif monochrome, exceptées les blessures qui apparaissent faiblement rosées, et le sang qui est positif et plus noir.
Les fils de lin, d’une souplesse et jeunesse remarquable, sont peu réguliers (150 à 600 m), à torsade Z (inhabituelle). Ils sont tissés en chevrons (3 lie 1), ce qui confère une grande résistance à l’étoffe. La présence de quelques fibres de coton, signalée par le professeur Raes doit être considérée comme une contamination.
Ray Rogers pense que le lin été blanchi après tissage, ce qui est un signe d’antiquité (les fils recouverts sont restés écrus).
Caractéristiques médicales
L’observation attentive montre que le corps a subi tous les sévices décrits dans les évangiles : sueur de sang, couronnement d’épines, flagellation, portement de croix, enclouage des mains et des pieds ; le percement du cœur, l’écoulement de sang et d’eau sont d’un réalisme saisissant et d’une « vérité » médicale inexplicable. Par exemple, l’enclouage des mains apparaît au niveau des poignets, seuls endroits capables d’assurer la crucifixion.
Optique physique et imagerie numérique
Plusieurs milliers de photographies sur plaques mais surtout sur films ont été prises ces 20 dernières années, à toutes les échelles (macro et micro), et sous diverses sources, allant des rayons X aux infrarouges, en passant par les ultraviolets, et bien sûr les lumières blanches de nature et d’intensités diverses, en incidences directes ou transmises.
Ces clichés ont souvent été accompagnés de mesures quantitatives :
- radiographie et absorption X pour évaluer la densité surfacique et la surcharge des fils (pour déceler toutes traces de peinture, de pigments, etc. ;
- spectres de fluorescence ( X et ultraviolette) pour déterminer la nature chimique des imprégnations (sang, lymphe, oxydations) ;
- spectres de réflectance (infrarouge) pour cartographier et évaluer l’origine des roussissures ;
- macrophotographie des zones imprégnées de sang et d’humeurs diverses.
Dès 1978, le STuRP, et depuis, de nombreux chercheurs, ont montré que l’image n’est ni une peinture, ni un ouvrage fait à la main, mais a été provoquée par une roussissure (oxydation acide) superficielle des fibres de cellulose constituant Ies fils de lin. Cette roussissure présente un contraste faible et constant avec l’étoffe. Seule la densité spatiale des points roussis varie, assurant les variations de teintes de l’image binaire, d’où sa remarquable stabilité malgré le temps et les avatars subis (incendie, ostensions, fumées de cierges, encens, eau bénite etc.). De plus, le STuRP a montré que l’image est tridimensionnelle et en a réalisé une reconstitution numérique tout à fait probante.
Signalons également, à titre d’information, la confirmation, par l’Institut d’optique théorique et appliquée d’Orsay, de la présence sur le tissu, autour du visage, de paléo-écritures, onciales de type épigraphique, qui sont des indices supplémentaires de l’antiquité de la relique.
Radio-isotopes et datation
La revue Nature du 16 février 1989 a publié les résultats de la datation du Linceul par le carbone 14, sous l’égide du British Museum : an 1325 ± 65.
Cette date est contredite de façon formelle par un document des Archives nationales de Hongrie, le Codex Pray qui présente le Linceul au XIIe siècle comme un document officiel d’apologétique chrétienne. On peut sans grands risques le considérer comme antérieur au XIe siècle. Or l’écart-type de la datation n’autorise pas un tel décalage ; à 9 écarts-types de la moyenne (1325), la probabilité d’occurrence est de l’ordre de 1,3.10-15, c’est-à-dire quasi nulle.
Concernant cette datation de 1988, Raymond Souverain, inspecteur général honoraire du service de la répression des fraudes, président d’honneur de la Société des experts chimistes, a fait, dans la Revue Internationale du Linceul de Turin éditée par le CIELT, la liste des manquements aux règles internationales de l’expertise. Cette liste est suffisamment longue pour ôter toute autorité aux résultats publiés.
Néanmoins, un problème demeure : comment expliquer un tel écart ? Malveillance, erreur d’échantillonnage, contamination exceptionnelle, phénomène paranormal ? Toutes ces hypothèses sont testées par les scientifiques, les philosophes, et même des théologiens, qui apportent des interprétations conditionnelles.
La plus en vogue, après l’irradiation qui est décrite plus loin, incrimine l’effet thermique de l’incendie de Chambéry (1532). Cependant, la carboxylation « conventionnelle » avancée par Dimitri A. Kouznetsov, paraît insuffisante pour rajeunir d’autant un tissu, et le physicien américain John P. Jackson recherche expérimentalement un effet multiplicatif, inconnu à ce jour.
D’autres incriminent les contaminants : le dernier en date est l’américain Leonio Garcia-Valdès qui prétend avoir découvert des produits d’altération bactérienne, engainant les fils de cellulose du Linceul. De plus, on ne sait d’où vient l’échantillon analysé, sa conservation, etc.
Les experts en textiles anciens, ainsi que les conservateurs des grandes collections de tissus historiques dans les musées, ont attiré notre attention sur les difficultés « chroniques » de datation des tissus, et principalement du lin, matière vestimentaire noble depuis la très haute Antiquité, peu dégradable en milieu sec et sombre. Lorsque les décors, ou les écritures, permettent de les dater, les conflits avec la datation radiocarbone ne sont pas rares . Ce n’est pas l’avis des « radiocarbonistes » qui, au contraire, pensent et proclament, que les problèmes de traitement (nettoyage), de constitution d’éprouvettes et d’étalonnage des appareillages, sont résolus, et que la qualité des réponses obtenues, pour les âges anciens, est « nominale », c’est-à-dire conforme à la dispersion intrinsèque de l’appareillage. Il semble qu’ils tirent gloire de succès éclatants, comme la datation de quelques rouleaux de Qumrân, pour prétendre à une objectivité et une universalité qu’ils n’ont pas démontrées (absence d’inter comparaison aveugle convaincante sur les tissus, la seule connue à ce jour restant l’inter comparaison publiée en 1986 : An intercomparaison of some AMS and small gas counter laboratories (R. Burleigh, M. Leese, M. Tite), in Radiocarbon, vol. 28, n° 2A, 1986, p. 571-577).
Physique des particules, irradiation
La thèse ad hoc la plus séduisante pour expliquer les résultats de la datation de 1989, proposée par les professeurs Rinaudo (Montpellier) et Lindner (Karlsruhe), est l’irradiation par neutrons qui active les carbones de la cellulose, soit directement, soit indirectement par échange isotopique à partir des 14C néo formés (par transmutation de l’azote 14, toujours présent en grande quantité).
Signalons que le Père Rinaudo a démontré avec succès que, lors d’une désintégration fictive du deutérium, responsable des neutrons indispensables, le flux associé de protons pouvait provoquer une roussissure de même nature que celle observée sur le Linceul.
Une équipe du CIELT, conduite par Philippe Albert, directeur de recherches émérite du CNRS et du CEA, poursuit des recherches sur la radioactivité naturelle, la datation et l’irradiation de la cellulose.
Palynologie et botanique
Divers chercheurs (principalement Max Frei en 1973) ont réussi à extraire, en les « scotchant », diverses poussières et débris présents entre les fils du Linceul. Parmi eux un certain nombre de pollens de plantes européennes, mais aussi du Moyen-Orient, et certains même d’une plante très répandue sur les collines calcaires des environs de Jérusalem, la gundelia tournefortii, celle-là même qui produit les branches épineuses qui servirent à tresser la couronne d’épines du Christ, et qui est conservée à la Sainte Chapelle, à Paris. Sur 165 pollens examinés par le palynologue israélien Baruch, 45 appartiennent à cette espèce. La raison d’une telle abondance est mystérieuse.
Physico-chimie analytique
La nature de l’image (roussissure superficielle des fibres, due à une oxydation acide de la cellulose sur 5 à 10 µm) a été caractérisée par la réaction à l’imide sur un point particulier (John H. Heller), et par l’étude spectro photométrique des zones brûlées, qui exhibent la même réflectance, sur toute l’étendue du spectre, que l’image dans son ensemble. Il est surprenant que l’eau et la température, lors de l’incendie de Chambéry, n’aient pas délavé l’image et ses empreintes, lesquelles sont restées remarquablement nettes, alors que l’on voit partout des auréoles laissées par l’eau jetée pour éteindre l’incendie.
Les taches de sang ont fourni un test positif à l’albumine, et révélé la présence de porphyrines (John H. Heller). Pierluigi Baima Bollone a obtenu la même réaction qu’un sang humain de groupe AB (ce test est-il spécifique ? Il conviendrait de publier la procédure exacte).
Sang, lymphe, image, cellulose brûlée et non brûlée, ont été soumis à une analyse photométrique extensive : fluorescence X, radiographie X mous, fluorescence UV, spectroscopie, photographie, thermographie IR, réflexion IR. Aucune anomalie n’a été décelée, au contraire on a pu montrer, par exemple, que seule la région du visage était exposée dans les temps anciens (légende du « Mandylion »).
Biologie moléculaire, génétique
Le CIELT est le seul à avoir publié des résultats scientifiques sur l’identification génétique à partir d’un sang humain ancien desséché imprégnant une étoffe historique datant de 1830, par la méthode PCR appliquée à l’ADN récupéré, et l’identification de gènes spécifiques (IIIe symposium international de Nice, 1993).
Des chercheurs américains prétendent avoir fait de même sur le Linceul de Turin. Cela paraît improbable car ils n’ont pas été habilités à disposer de tels échantillons. Ils devront publier non seulement les résultats obtenus mais certifier l’authenticité des échantillons.