Conférences contradictoires sur le Linceul

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Qui a VRAIMENT créé le Linceul de Turin ? Le débat ultime. Théâtre Saint-Léon, 16 décembre 2024, enregistrement disponible sur Youtube, chaîne 1 000 raisons de croire.
Ce débat contradictoire a opposé, devant plus de 200 spectateurs, Olivier Bonnassies et Tristan Casabianca, défenseurs de l’authenticité, à Noé Gouttès, de la chaîne Absinners sur Youtube, et Benjamin Driquez, docteur en physique, partisans de la thèse du faux médiéval.
Olivier Bonnassies avait réalisé avec Jean Dartigues en 2018 une vidéo Le Linceul de Turin ne peut venir que de la Résurrection du Christ qui totalise à ce jour 2 millions de vues, Tristan Casabianca est l’auteur de la requête légale faite en 2017 au British Museum pour obtenir les données brutes de la radio datation de 1988 ; Absinners a publié une vidéo Le suaire de Turin est un faux du Moyen Âge. Démonstration ! qui totalise à ce jour 20 000 vues. Le débat public filmé est à l’initiative d’Olivier Bonnassies.
Les défenseurs de l’authenticité ont remarquablement préparé le sujet ; ils présentent des diapositives très claires, très logiques avec des références scientifiques précises et savent donner des réponses en citant leurs sources (chercheurs et références aux revues académiques).
Le Linceul est « un objet absolument singulier [qui] ne peut s’expliquer que par une cause absolument singulière » ; 25 arguments sont présentés, dont les 7 premiers « éliminent totalement l’hypothèse du faux » : une image superficielle sur 0,2 microns (= 0,0002 mm), un taux de C 14 qui croît de façon totalement anormale en allant vers le centre, une image négative, une information 3D, une image sans distorsion, la présence de sang et l’absence d’image sous le sang, un sang resté rouge. Ils en concluent que le linge est absolument spécifique ; et de proposer un seul scénario cohérent qui colle avec la multitude des faits établis. L’hypothèse du faux médiéval est impossible car inconcevable au Moyen Âge et irréalisable hier comme aujourd’hui, la Passion et la Résurrection sont cohérentes avec les éléments du dossier.
En face, les opposants, qui ont pourtant consulté Andrea Nicolotti et Luigi Garlaschelli, deux chercheurs farouchement hostiles à l’authenticité, ont un discours très flou et vont reconnaître eux-mêmes qu’ils ne sont pas à leur avantage.
Leur exposé : « la vérité ou la fausseté du suaire est une question centrale parce que c’est un mur porteur de l’édifice chrétien », « si on s’est trompé pour le suaire, qu’en est-il du reste ? », quel est l’intérêt d’un débat sur le suaire que ni les protestants, ni les orthodoxes, ni même l’Église catholique ne reconnaissent et dont tout le monde se fout (sic) ?
Leurs arguments : la Bible qui ne parle pas du linceul ; le C14 ; une œuvre d’art qui s’ancre dans le mouvement des flagellants du XIVe siècle ; l’idée que tous les partisans sont des gens animés d’une grande dévotion religieuse, que les sindonologues partent des conclusions pour arriver aux observations, en ne sélectionnant que les arguments favorables, qu’ils sont tous des « dévots qui appartiennent à des groupes religieux très spécifiques », qu’il s’agit d’une « bulle », d’une communauté qui serait hermétique au monde ; le fait que le conflit qui anime le présent débat oppose bien les croyants à la science et à l’histoire. D’où une accusation de « complotisme », de pensée « antiscientifique » qui va tuer à long terme, soit à cause d’un traitement médical pris en retard, soit à cause d’un refus catégorique de soins pour recourir à des méthodes plus naturelles (quel rapport ?) et de divaguer en évoquant le platisme, Trump ou les vaccins de Bolsonaro.
Vient la partie des questions des uns aux autres, limitées cependant par le temps restant :
– la superficialité de l’image : le fait serait peu connu, en fait il n’est contesté nulle part dans le monde académique ; la possibilité d’éviter la capillarité avec une poudre ou une bouillie épaisse, mais les défenseurs répondent que personne ne croit plus aux méthodes de Luigi Garlaschelli qui a d’ailleurs reconnu ne pas avoir testé de façon microscopique la caractéristique de la superficialité ; les roussissures des fibrilles que l’on a pu réaliser ; l’effet 3D qui peut être expliqué ; la présence de vermillon sur seuls 2 échantillons parmi une trentaine, nécessaire à la thèse du faux mais insuffisant, tandis que l’on peut penser qu’il fait partie des substances contaminantes ;
– la bilirubine qui ne garde pas le sang rouge (cf. le sang de saint Janvier) sauf s’il y a eu exposition au soleil ;
– le C14 : les défenseurs ne contestent absolument pas les tests mais pointent un taux de C14 qui n’est pas le même dans tout le tissu (ce qui rend tout intervalle calendaire absurde) et une hétérogénéité statistique à l’intérieur des données brutes des laboratoires, le fait que la radio datation sur les textiles donne des résultats parfois incohérents, dus à des contaminations auxquelles les linges sont très sensibles ; les opposants rétorquent qu’il n’y a pas eu de rétractation des résultats de 1988.
Dans les faits, les opposants ne réfutent aucune des spécificités évoquées par les défenseurs et ne répondent pas aux deux questions que pose la datation médiévale : qui et comment ? Ils ne proposent aucun scénario alternatif précis, restant dans le flou en évoquant l’existence de faussaires, de bas-reliefs et de colorants.
Le débat se termine par l’allusion faite par Olivier Bonnassies au challenge d’un britannique qui propose un million de dollars à qui reproduira le Linceul à l’identique.
Suivent les questions-réponses qui n’ont pas été enregistrées.
Un débat courageux où les défenseurs de l’authenticité se montrent extrêmement professionnels, tout en restant très compréhensibles, avec une parfaite connaissance du sujet, s’appuyant sur des résultats publiés dans les revues académiques, en face de détracteurs ayant mal préparé leurs propos, cherchant surtout à dénigrer la communauté des chercheurs favorables à l’authenticité, et incapables de contrer scientifiquement les arguments ou contre-arguments.
À voir absolument !
Débat Saint Suaire, authentique ou fake ? Rediffusion de l’émission du 2 février 2025 sur Youtube, chaîne Absinners.
Olivier Bonnassies et Tristan Casabianca ont continué le débat, en direct sur Internet, avec Noé Goutès et Benjamin Driquez en intervenant invisible. L’émission est disponible en replay.
Si l’émission ne présente pas la même qualité de mise en scène que la précédente, d’autant que les intervenants ont eu à composer avec de réelles difficultés techniques, elle se déroule cependant sur un ton plus serein qui permet de vrais échanges sur les sujets abordés. Il faut donc (en attendant peut-être une nouvelle version techniquement améliorée ?) passer outre un très mauvais son : ne pas hésiter à afficher les sous-titres qui, malgré leur orthographe très phonétique, peuvent être utiles, et surtout ne pas renoncer au visionnage !
Noé Gouttès commence par présenter le scénario alternatif qui lui était réclamé précédemment : pour lui, le suaire est la création d’un faussaire médiéval qui n’a pas créé une image négative tridimensionnelle ; il a utilisé de la peinture avec une technique d’estampage et et un bas-relief ; la superficialité n’a rien d’exceptionnel ; il ne s’agit pas de brûlures et un rayonnement est exclu ; ce sont les chercheurs qui ont injecté de la 3D dans leurs data. Par ailleurs lorsqu’une étude avance une date du Ier siècle elle provient toujours d’un partisan ou d’un sindonologue.
Tristan Casabianca répond d’abord que le fait que les études soient faites par partisans de l’authenticité ne prouve pas qu’elles soient fausses, que les opposants ne sont pas toujours neutres mais quelquefois très hostiles, et qu’un sindonologue est juste quelqu’un qui étudie le suaire quelles que soient ses opinions pour ou contre ; et de donner des contre-exemples.
S’ensuit une critique du scénario évoqué : une longue discussion sur la superficialité que les partisans de l’authenticité jugent incompatible avec une peinture, que les opposants expliquent par le taux de dilution et un filtrage des particules par le tissu. Réponse : impossible avec du lin et d’ailleurs c’est le substrat même du linceul qui a été affecté par une brûlure ; quant aux traces diverses de composants de peinture médiévale, elles tiennent aux copies que l’on apposait sur le Linceul pour les sanctifier.
Olivier Bonnassies présente 14 questions simples auxquelles il demande de répondre par oui ou par non : la superficialité de la brûlure ; la directionnalité anormale de répartition du C14 ; l’absence d’image sous les traces de sang ; la présence de bilirubine, d’ADN indien, de pollens et d’huiles du Moyen Orient ; l’enveloppement d’un vrai corps humain par le Linceul ; l’emplacement inédit des clous placés dans les poignets ; l’absence de représentation d’un Christ mort nu avant le Codex Pray et le Linceul ; une image visible seulement à plus de 3 m ; la thèse d’une peinture médiévale ; un effet produit par contact avec un bas-relief géant ; le caractère inconcevable intentionnellement d’une telle réalisation au Moyen Âge ; la singularité absolue de l’image.
Pour lui 10 faits objectifs rendent inconcevable et irréalisable la thèse du faussaire médiéval. Malgré les objections, Noé Gouttès restera sur l’explication la plus simple qui lui semble être une peinture médiévale dont le caractère négatif aurait été réalisé par accident ; il renonce aux accusations de complotisme mais pense que les scientifiques partisans de l’authenticité se trompent profondément, sans être de mauvaise foi.
Suivent les réponses à 3 questions du chat sur les pollens, les anomalies anatomiques (distorsions) et la raison de l’apparition du suaire au XIVe siècle.
Tristan Casabianca et Noé Gouttès, restés ensuite seuls en ligne, s’avèrent d’accord pour souhaiter un nouvel accès au Linceul qui permettrait sans doute de régler rapidement la question. Et Tristan Casabianca de souligner que le suaire de Turin est un véritable « défi à l’intelligence » parce qu’il implique des disciplines scientifiques très diverses, parce qu’on doit peser toutes les hypothèses pour arriver à une probabilité globale et tirer des conclusions en se basant sur des preuves parfois indépendantes ou liées. L’émission se clôt sur la vitalité des courants qui s’opposent, le rapport à la science, à l’histoire et au surnaturel.