CIELT - Centre international d'études sur le linceul de Turin
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La palynographie

Il est vraisemblable que le Linceul de Turin contienne des particules de pollens qui remontent directement au moment de la fabrication ou de l’utilisation des étoffes. Clairement, les pollens, sous forme de traces invisibles, arrivent à manifester indirectement, selon les espèces botaniques, une présence antique ; il est possible également de repérer un contact postérieur, dérivé au contraire d’une contamination naturelle et d’une adhésion postérieure dans le temps. Un point particulier à évaluer dans les études des pollens du Linceul pourrait être si, comme cela a déjà été indiqué par Scannerini et Caramiello (1989), les plus anciens pollens (dits primaires) auraient pu être immergés ou englobés dans des substances grasses, ce qui pourrait rendre difficile l’identification en termes d’espèces végétales. Mais plusieurs autres études scientifiques ont détecté avec succès la présence de telles microtraces, et démontré la signification de leur présence, découvertes accomplies en contexte de médecine légale ou dans des perspectives archéologiques. Un exemple se trouve dans les études sur les momies du IIe siècle après J.-C. (Ciuffarella, 1998), sur les urnes romaines d’incinération des Ier-IIIe siècles après J.C. (Buosi et al., 2013) ou sur les momies de la Renaissance en Italie (Giuffra et al., 2011), dont les pollens entomophiles trouvés sur elles indiquent les possibles usages anciens des plantes.

Malheureusement, les conclusions des études palynologiques sur le Linceul accomplies par le criminologue Frei sont plutôt imprécises et non décisives aux yeux de tout scientifique (Frei 1976, 1979a, 1979b, 1982, 1983, 1985 ; Ghio 1986). Les 50 espèces environ auxquelles ont été attribuées les pollens trouvés ont été classées selon une liste divisée en secteurs qui veut démontrer le long voyage de la relique de l’Orient jusqu’à l’Europe occidentale, impliquant son séjour dans plusieurs pays, selon nos connaissances historiques.

Afin de pouvoir confirmer avec sûreté les espèces des pollens du Linceul, il est nécessaire de connaître les caractéristiques palynologiques des familles botaniques, qui doivent ensuite être comparées avec la flore de l’Europe, de l’Asie Mineure et du Nord de l’Afrique. C’est la seule manière de pouvoir certifier les pollens présents. Il existe actuellement des atlas de pollens qui nous aident dans ces recherches, mais dans les années 70, du fait que la palynologie en est à ses débuts, on ne dispose pas de matériel de comparaison. Il aurait été nécessaire de récolter des plantes en fleurs dans chaque aire géographique, de les identifier, de préparer des échantillons avec le pollen connu (palynothèque), en absence d’atlas photographique ou de clefs d’identification. La recherche aurait dû prendre des dizaines d’années, en lien également avec les analyses aux microscopes optiques et électroniques.

La liste des pollens du Linceul établie par Frei a été illustrée, en majeure partie, par des observations au microscope optique, atteignant des grossissements de 1 000 fois. Considérant que les poussières du Linceul ont été prélevées et incluses sur une bande adhésive ordinaire, ce moyen n’est pas adéquat et ne permet pas une vision précise des particularités et caractères morphologiques importants pour une étude palynologique complète. Tout simplement, la méthode de récolte utilisée par Frei devrait suffire pour démontrer qu’il est nécessaire de débuter une nouvelle collection et une nouvelle recherche avec des techniques plus modernes et moins agressives. Cette analyse doit également être approfondie grâce aux études en microscopie électronique pour confirmer les espèces exactes des végétaux présents.

Recommandations pour les études à réaliser sur le Linceul

a) constituer une commission de palynologues qui préparerait un protocole de récolte des échantillons et des autres microtraces présentes ;
b) réaliser un contrôle microscopique servant à déterminer l’état de conservation et de détérioration des fibres du lin ;
c) du fait des précédents prélèvements et du changement de position de la relique, il est probable qu’une grande partie des microtraces les plus anciennes ait été perdue ; il faudra donc procéder à un examen attentif pour retrouver toutes les particules encore adhérentes. Du fait que la relique est entrée en contact avec l’air et qu’elle a été examinée par des scientifiques sans prendre des mesures qui auraient évité la contamination, il est probable que l’on trouve aussi des pollens et des spores récents ;
d) effectuer la récolte de nouveaux échantillons au moyen de méthodes non invasives qui ne corrompent pas l’état de la fibre, comme l’aspiration contrôlée ;
e) l’apparition d’un seul pollen incrusté dans les taches de fluide biologique pourrait démontrer sa présence très ancienne, ainsi que les micro-traces qui apparaîtraient plus abimées et recouvertes de concrétions ;
f) considérer le risque de la présence de spores, qui, s’ils développaient un filament fongique, pourraient compromettre l’état actuel des fibres de lin ainsi que des autres microtraces ;
g) réaliser un prélèvement des poussières sur les reprises cousues au XVIe siècle sur les parties brûlées de l’étoffe originale : la récupération de possibles pollens pourrait aider à dater l’intervalle historique le plus récent du Linceul ; on pourrait ainsi comparer les types de pollens  soit entomophiles, soit anémophiles avec ceux présents sur l’étoffe originale ;
h) les poussières peuvent être analysées par microscopique électronique sans effectuer de traitements chimiques ultérieurs ;
i) créer une base de données et d’images à fort grossissement de toutes les particules retrouvées, identifiant aussi la zone où elles ont été récoltées ;
l) les prélèvements précédents empêchent qu’il soit possible de créer un spectre pollinique complet, tous les palynomorphes qui sont retrouvés doivent aussi être confrontés avec ceux des espèces botaniques actuelles ;
m) Les résultats  rendront possible d’associer les pollens aux habitudes culturelles ou aux aires géographiques précises permettant de comparer le Linceul de Turin avec le Suaire d’Oviedo ;
n) en palynologie, la patience et la persévérance sont indispensables ; en général, il a été confirmé qu’il s’agit  d’une science valable que ce soit pour son exactitude extraordinaire ou pour l’absence de méthodes invasives ;
o) la microscopie à fort grossissement est un allié pour découvrir les microtraces présentes. L’enquête sur les pollens n’éloigne pas le Linceul de son histoire mais collabore à démontrer, à travers des études scientifiquement possibles, l’histoire de la relique.

Marzia BOI

Laboratoire de Botanique – Département de Biologie – Université des Îles Baléares – Palma de Majorque (Espagne)